Datanomics: « Open Data: show me the money ! »

Open-exp-6-Show-me-the-money4 ans après les premières démarches d’ouverture des données publiques en France, la question économique reste entière. Pourquoi a-t-on toujours autant de mal à déterminer l’impact économique de l’open data, autrement qu’à grands coups de milliards de dollars façon Mc Kinsey… ? Elle est où la start-up qui va révolutionner le monde et qui doit tout aux données ouvertes ?

Louis-David Benyayer et Simon Chignard (Datanomics) proposent de considérer la question sous l’ange de la valeur des données: qu’est-ce que l’Open fait aux données ? Ce texte est publié simultanément sur withoutmodel.com et la vidéo réalisée lors d’Open Experience 6 est visible ici.

Elle est-où la super start-up qui doit tout à l’open data ?

Le débat sur la valorisation n’est pas nouveau et les mesures de la valeur de l’open data s’établissent selon deux logiques. Soit c’est la valeur du marché des informations publiques qui est mesurée (par exemple dans le cadre de l’étude MEPSIR de 2006) alors que nombre d’entre elles ne sont pas ouvertes. Soit ce sont les gains d’opportunité qui sont comptabilisés (Mc Kinsey Global Institute).

Suivant cette deuxième logique, les rapports se sont succédés et concluent tous à des montants colossaux. Le plus récent, celui de McKinsey en 2013, situe entre 3 220 et 5 290 milliards de dollars la valeur annuelle de l’open data. A titre de comparaison, le PIB de l’Allemagne, 4ème puissance mondiale est de 3 747 milliards.

Dans le même temps, les gouvernements ont été nombreux à mettre en place des politiques d’ouverture des données publiques pour des raisons politiques (une gouvernance plus ouverte), économiques (permettre le développement de nouvelles activités qui génèront des bénéfices économiques pour l’état et la société) ou pour impulser la modernisation de l’action publique.

Cependant, force est de constater aujourd’hui que peu d’exemples probants de valeur économique générée par des données publiques ouvertes sont disponibles: elle est où la start-up qui doit tout à l’open data ? De même, les entreprises ne s’engagent pas de façon très nette dans l’ouverture des données qu’elles détiennent, génèrent ou manipulent, à l’exception de quelques acteurs du secteur des transports et de la mobilité. Plus encore, on a parfois du mal à comprendre si l’open crée de la valeur pour les données… ou alors en détruit (par les mécanismes de gratuité, etc.).

Quelles raisons expliquent cette difficulté à mesurer l’impact économique et la valeur de l’Open Data ?

Trois hypothèses

Hypothèse 1 : c’est trop tôt

L’effet-retard est une première hypothèse que l’on peut mobiliser pour expliquer notre difficulté à mesurer les impacts économiques. Selon cette approche, développée notamment dans l’étude réalisée en 2012 par Marc de Vries et Geoff Sawyer pour le compte de l’Agence spatiale européenne. Les deux auteurs distinguent ainsi 3 phases dans les effets de l’ouverture des données : une phase d’ensemencement (sowing phase), une phase de culture (growing phase) et une phase de récolte (harvesting phase). Si l’on retient cette approche, il est donc logique de ne pas voir aujourd’hui les bénéfices économiques car nous ne serions pas encore rentrés dans la phase de récolte…

Hypothèse 2: parce que c’est trop diffus et/ou compliqué

Dans les rapports et évaluation de la valeur de l’open data, un élément important est souvent peu mis en lumière par les auteurs et les commentateurs qui explique en partie la difficulté à voir la réalisation des promesses avancées. Dans de nombreuses évaluations (et dans de nombreux cas d’utilisation des données ouvertes), la valeur de l’open data se réalise largement en combinaison avec d’autres données qui, elles, ne sont pas forcément ouvertes, ce qui est appelé généralement les big data.

Note de bas de page du rapport McKinsey de 2013 (page 2) :

Throughout this report we express value in terms of annual economic surplus in 2013 US dollars, not the discounted value of future cash flows; this valuation represents estimates based on initiatives where open data are necessary but not sufficient for realizing value. Often, value is achieved by combining analysis of open and proprietary information to identify ways to improve business or government practices. Given the interdependence of these factors, we did not attempt to estimate open data’s relative contribution; rather, our estimates represent the total value created.

Ainsi, selon cette hypothèse, pour que la valeur de l’open data se révèle, la disponibilité et l’utilisation d’autres données est déterminante. Ce n’est pas la seule mise à disposition qui produit l’intégralité de la valeur.

Hypothèse 3: parce qu’on ne connaît pas bien les réutilisateurs

Enfin, la dernière hypothèse est que les réutilisations de données publiques ouvertes ne sont pas toutes visibles, communiquées ou explicites.

Certaines réutilisations sont particulièrement visibles quand elles sont incarnées par des applications mobiles qui le revendiquent. En revanche, la majorité des réutilisations de données publiques ouvertes n’est pas communiquée à l’extérieur de l’organisation qui les utilise. On mesure donc difficilement ce qui ne nous est pas donné à voir.

Toutefois, des effort sont faits pour mieux identifier et révéler les utilisations, par exemple le site Open Data 500 qui les recense et la plateforme ouverte des données publiques data.gouv.fr qui permet aux utilisateurs de mettre en ligne les réutilisations qu’ils ont faites des données mises à disposition.

Pistes de réflexion Datanomics, qu’est-ce que l’open fait à la valeur des données ?

Pour tenter d’y voir plus clair dans cette questions de la valeur de l’open data, faisons un détour par la valeur des data. Dans le cadre de Datanomics, nous avons identifié une typologie de trois formes de valeur des données : les données comme matière première, les données comme levier et les données comme actif stratégique (nous avons fait une première descriptions de cette typologie dans cet article à propos des objets connectés).

Concentrons nous ici sur les données comme matière première. Les métaphores habituelles utilisées pour décrire la valeur des données (pétrole, diamant, blé ou l’or) nous ramènent assez vite dans cette conception de la valeur des données comme matière première. On y voit les données comme un combustible qui alimenterait une machine (le pétrole), comme une matière qui prend sa valeur une fois qu’elle est travaillée (le diamant) ou comme un produit qui peut être consommé ou utilisé pour se renouveler (le blé). Les limites de ces comparaisons sont nombreuses : à la différence du pétrole qui disparait avec son utilisation, les données peuvent être réutilisées à l’infini, à la différence de l’or, les données ne prennent pas de valeur de thésaurisation.

Un constat s’impose : avec des données ouvertes (dont, par définition, on ne monétise pas la transmission), la valeur monétaire, celle qu’on associe à la donnée comme matière première, est en grande partie liquidée. C’est d’ailleurs l’une des conclusions du rapport Trojette sur les redevances des données publiques publié en 2013.

Autre raison qui explique la liquidation de la valeur des données avec l’ouverture : la révolution des proxies. Comme de nombreuses sources sont disponibles pour mesurer le même phénomène et qu’une grande partie est accessible gratuitement, la rareté et l’exclusivité des données sont moins assurés: leur valeur monétaire tend à décroitre.

Cette explication est confortée par un autre constat concernant les acteurs de l’open data et leur modèle économique. Au démarrage des initiatives d’open data, des acteurs économiques sont apparus avec un positionnement d’infomédiaire ou de place de marché de données ouvertes (Infochimps et Data Publica par exemple). Aujourd’hui ces acteurs ont abandonné ce positionnement de pur intermédiaire (data broker) pour évoluer vers un positionnement de type service. Ce ne sont pas les données qui sont vendues mais les services qui permettent de l’exploiter (API, analyse ou visualisation par exemple).

C’est la forme de valeur des données comme levier qui correspond probablement le plus à la valeur de l’open data : elles permettent aux organisations qui utilisent des données ouvertes d’améliorer leur performance soit en évitant des coûts soit en développant des revenus (par une meilleure tarification ou par de nouvelles ventes)

Finalement

Les caractéristiques de la valeur de l’open data sont celles des données en général : la valeur est dans la réutilisation, elle est future et co-construite.

Dans la réutilisation car elle est n’est pas monétisé directement. Future car la valeur ne se révèle qu’une fois l’utilisation réalisée (elle s’évalue difficilement a priori). Co-construite car c’est rarement celui qui dispose des données qui peut en révéler toute la valeur.

In fine, l’ouverture des donées pose un grand nombre de défis aux acteurs privés : faut-il acter la liquidation de la valeur monétaire des données – c’est-à-dire renoncer à les vendre – pour mieux en exploiter la valeur stratégique et de levier ? Comme nous le disait un responsable d’un grand groupe, par ailleurs largement impliqué dans des démarches open data : “tant que personne ne fait d’argent avec nos données, cela ne nous pose pas de problème de les ouvrir”.

 

Image d’illustration par Hélène Pouille

 

Datanomics: les stratégies Data de l’Internet des Objets

Les données ont façonné les services du numérique que nous utilisons au quotidien. Demain, elles vont modifier notre relation aux produits par l’Internet des objets. Quelle est la valeur de ces données ? Qui peut se l’approprier ? Quelles sont les stratégies Data mises en oeuvre par les start-up, les industriels et les acteurs des services de l’Internet des objets ?

Louis-David Benyayer et Simon Chignard explorent, sous le titre de Datanomics, les transformations engendrées par l’économie des donnéesCe texte est publié simultanément sur withoutmodel.com et a fait l’objet d’une vidéo enregistrée à l’occasion du festival Web2Day.

Datanomics: les 3 formes de valeur des données

Datanomics: les 3 formes de valeur des données

Des objets connectés partout, tout le temps

Linternet des objets, c’est la communication entre objets ou entre des objets et des humains par le biais des technologies numériques. Les objets connectés sont partout : à nos poignets ou nos chevilles, dans nos poches, nos voitures ou nos salles de bains, sur nos routes ou nos compteurs électriques.

Ils concentrent aujourd’hui l’attention d’acteurs du numérique (dont les usual suspects, Google et co.) mais aussi d’acteurs non numériques (Nike par exemple, et surtout les industriels et les distributeurs avec les puces RFID)[1]. Bref, l’internet des objets constitue un ensemble relativement hétérogène en termes de technologie, de proposition de valeur ou d’écosystème industriel. L’arrivée annoncée des lentilles de contact et des prothèses connectées puis des capteurs ingérables va probablement, si elle se réalise contribuer à brouiller encore un peu plus le paysage.

Trois formes de valeur des données

Sensors + Data + Networks + Services = Internet of Things

Si l’on reprend cette définition proposée par Nick Wainwright et ces composants, on s’aperçoit que la valeur créée par l’Internet des objets s’est jusqu’à présent principalement concentrée dans des produits qui se sont vendus avec plus plus ou moins de succès et dans les réseaux de télécommunications. Pourtant, les données générées et collectées par les objets ou capteurs représentent une valeur potentiellement encore plus grande – et dont les mécanismes sont très différents.

Dans le cadre de Datanomics, nous avons identifié une typologie de trois formes de valeur des données qui s’applique aux données en général et à celles produites par les objets connectés : les données comme matière première, les données comme levier et les données comme actif stratégique.

Les données matières premières

Les données peuvent en premier lieu être vues comme une matière première brute que l’on achète ou que l’on vend. L’outil de navigation TomTom génère une partie non négligeable de ses revenus (jusqu’à 30%) par la revente des données de ses clients et utilisateurs à d’autres acteurs économiques. Par exemple la fréquentation d’un tronçon routier ou les zones des dépassements de vitesse. Certaines de ces transactions sont d’ailleurs polémiques, comme quand la police néerlandaise achète les données de Tom Tom et repositionne ses radars sur les lieux où les dépassements sont les plus fréquents.

Diapositive12Autre exemple moins polémique (et moins massif), Strava revend les données de ses fitness trackers à des agences de planification urbaine. Le plus frappant dans cette transaction est son faible montant (20.000 $). On peut même penser qu’il y a plus de valeur générée par l’écho médiatique donné à cet accord que par la transaction elle-même ! Ces deux exemples illustrent aussi les stratégies de tarification et l’épineuse question du prix de vente des données. Comme pour de nombreux produits ou services émergents, deux logiques complémentaires sont visibles : faire payer ce que ça coûte de produire les données et faire payer ce que les données font gagner.

La première logique est probablement la plus accessible et la plus facilement communicable aux clients potentiels. Il s’agit de recenser les postes de coûts (les capteurs, le réseau, les communications, …) et d’en déduire un prix en fonction de tranches de volumes consommés. Cette approche peut toutefois être perçue comme décevante par les vendeurs dans le cas où ils ont le sentiment que les acheteurs bénéficient de plus de valeur que ce qu’ils ont payé par le prix de vente.

La seconde logique consiste à évaluer le gain que les clients vont réaliser avec l’utilisation des données et de calculer le prix comme une fraction constante de cette valeur produite. Celle logique permet au vendeur de s’assurer d’un certain équilibre dans la répartition de la valeur. Cependant, les calculs de valeur produite sont moins simples que ceux de calculs des coûts effectivement mobilisés : la valeur des données est principalement une valeur future et subjective.

Les données comme levier

Il s’agit d’utiliser les données pour son propre compte (sans monétisation directe auprès d’un tiers) de façon à améliorer sa performance en réduisant ses coûts (mieux mobiliser ses ressources) ou développant ses revenus (vendre plus ou plus cher)

Quand ils connectent leurs produits, Les industriels fabricants des produits à forte technicité et qui ont des durées de vie longue sont en mesure de mieux connaître les conditions d’utilisation des produits et l’évolution de leurs performances techniques. C’est le cas pour les fabricants de l’industrie aéronautique ou automobile par exemple. Les données ici représentent un levier pour améliorer les générations suivantes de produits en utilisant des données fines d’utilisation. Elles peuvent aussi représenter un moyen de développer un modèle économique autour des services associés aux produits. C’est le cas de General Electric qui a développé une offre services autour des produits et matériels d’exploitation vendus aux opérateurs de plateformes d’extraction de pétrole brut.

Deuxième exemple d’utilisation des données comme levier, dans un univers beaucoup plus personnel: Glow. Cette start-up fondée par un ancien de Pay Pal propose une application mobile pour celles et ceux qui veulent avoir un enfant. Glow collecte et analyse des données pour prédire le moment le plus propice pour concevoir un bébé.

Les données comme actif stratégique

La donnée, par sa possession-même, constitue un élément stratégique majeur pour défendre une position ou en attaquer de nouvelles.

Walmart Retail Link est non seulement une solution de tracking RFID précise des produits stockés en magasins (qui permet par exemple de réaliser un inventaire en temps réel) mais aussi et surtout un outil stratégique dans le rapport de force entre WallMart et les industriels. Avec Retail Link, la politique de stockage et son exécution devienne la responsabilité de l’industriel (et plus du distributeur) avec à la clé des gains possibles en cas de bonne gestion ainsi que des responsabilités accrues en cas de problème d’approvisionnement.

La donnée redistribue aussi la valeur au sein d’écosystèmes industriels. C’est particulièrement vrai dans les systèmes avec plusieurs sous-ensemble comme l’automobile ou l’aviation. Chaque fournisseur d’un sous-ensemble acquiert avec les données remontées par ses appareils connecté des informations sur le fonctionnement de l’ensemble de l’appareil (par exemple les données disponibles sur les moteurs d’avion informent sur les conditions d’exploitation de chaque compagnie aérienne). Les données constituent un levier de négociation dans la répartition de la valeur au sein de filières industrielles.

Diapositive06Xee est un boitier connecté pour rendre les véhicules communicants. La voiture connectée est un marché que l’on dit souvent promis aux constructeurs automobiles ou aux grands fournisseurs d’OS mobiles, comme Google ou Apple. L’exemple de Xee illustre pourtant une autre voie : la société qui a conçue le boîtier est une filiale du groupe Mobivia, la structure de diversification des propriétaires de Norauto et Midas. La donnée prend alors toute sa dimension stratégique : elle permet à un acteur de l’aftermarket non seulement d’imaginer un relais de croissance à son activité, mais aussi un moyen de défendre sa place sur son marché d’origine. Les données de Xee permettent de proposer de nouvelles offres d’entretien du véhicule, mais aussi de nouveaux modèles d’assurances ou de services premium… sans le constructeur automobile.

Dans le cas des grands acteurs du numérique, les données produites par l’internet des objets ont la même valeur d’actif stratégique que les traces numériques qui constituent déjà le moteur et le carburant de leurs modèles économiques. C’est grâce aux données que Google et Facebook parviennent à monétiser de la publicité. Des objets connectés signifient plus de données et des données de nature différente. Ces données constituent un nouveau gisement de carburant pour les modèles économiques des acteurs du numérique.

D’autre part, la bataille entre ces acteurs s’établit autour du point d’entrée sur internet. Chacun développe des stratégies pour s’assurer de rester ou de devenir le point d’entrée aux contenus sur le réseau. Les objets sont les prochains points d’accès au réseau (après les ordinateurs et les appareils mobiles) et les géants du numérique s’y engagent. C’est une façon d’interpréter les initiatives de Google dans les objets connectés (voiture, lunettes ou thermostats avec le rachat de Nest) : une stratégie de conquête des points d’entrée au réseau et de collecte de nouvelles données pour alimenter le modèle économique bi-face.

Trois valeurs non exclusives

Ces trois types de valeur peuvent se cumuler et certains objets connectés peuvent générer plus d’un type de valeur. Le Disney Magic Band peut être analysé de plusieurs façons. C’est un bracelet personnalisé que l’on commande avant de visiter un parc d’attraction, il enregistre les déplacements au sein du parc, sert de clé et de moyen de paiement.

Diapositive19Ces données sont bien sûr un levier pour un gestionnaire de parc : elles permettent d’ajuster en continu les ressources mobilisés dans le parc en fonction des déplacements des visiteurs. Elles permettent également d’identifier des patterns de visite et d’améliorer les prévisions. Les données peuvent également être vues comme un actif stratégique pour Disney : en disposant de ces données, l’entreprise est capable de tisser un lien plus fort avec ses clients, d’augmenter les fréquences de viste et de se différencier par rapport aux autres gestionnaires de parc. Enfin, on pourrait imaginer que d’autres acteurs économiques pourraient être intéressés par l’analyse a posteriori ou en temps réel des données issues de bracelets.

Ce qui caractérise les stratégies Data de l’Internet des Objets

On le voit, les stratégies données des acteurs de l’internet de objets sont différentes. Elles dépendent de l’activité historique ou principale de celui qui les met en valeur :

  • Pour certains, les données servent principalement à vendre des device, elles constituent un sous produit marginal. C’est le cas des fabricants d’appareils de quantified self comme Netnatmo ou Withings.
  • Pour d’autres, les données sont centrales car leur modèle économique est centré autour des données (ex : Google).
  • Enfin, pour des acteurs comme les industriels de produits de série, les données servent d’une part à améliorer la performance (en réduisant les coûts d’exploitation ou augmentant les revenus)  et d’autre part à développer des modèles économiques de services.

Les acteurs mobilisent des stratégies différentes, notamment car les compétences requises sur la chaîne de valeur de l’internet des objets sont très nombreuses (design d’objet, fabrication, distribution de produit, stockage et analyse de données, utilisation des données) et qu’aucun acteur ne peut prétendre (ou n’aurait intérêt) à les maîtriser toutes. On observe donc des stratégies de spécialisation et d’alliance. C’est certainement une façon d’analyser la décision récente de Nike de réduire ses investissement dans l’internet des objets et de travailler à un partenariat avec Apple.

La valeur d’une donnée diffère fortement suivant celui qui l’analyse ou qui l’utilise : une même donnée peut receler une valeur très forte pour un acteur et quasi nulle pour un autre. Egalement, ce ne sont pas toujours ceux qui détiennent les données qui peuvent en réaliser la valeur la plus forte ; à la fois pour des raisons de compétences et d’accès à un marché client ou à une utilisation.  Cela signifie par exemple que les fabricants d’appareils de quantified self se posent la question des partenariats à réaliser pour exploiter la valeur des données produites. Cela signifie aussi que les acteurs qui réalisent un métier non nativement numérique (comme les transports par exemple) s’interrogent sur le niveau de leur implication dans la valorisation des données : ont-ils plus intérêt à laisser d’autres acteurs s’enrichir en utilisant leurs données (quitte à percevoir une redevance) ou au contraire à limiter l’accès à leurs données ou les exploiter eux mêmes en créant de nouvelles activités.

A qui appartiennent les données de l’Internet des objets ?

Diapositive22Il nous semble essentiel de clarifier les enjeux de propriété des données. A qui appartiennent-elles : à celui qui utilise l’objet connecté, à celui qui le finance, à celui qui l’opère ou le fabrique ? La relecture des conditions générales d’utilisation (terms of service) de quelques grands noms de l’Internet des objets montre une grande diversité de pratiques. Mais dans l’ensemble, l’utilisateur cède une licence d’utilisation non révocable qui permet une réutilisation par le fabricant, parfois même sans accord préalable et explicite.

L’Internet des objets, un outil de redistribution de la valeur ?

On le voit, l’internet des objets et les données associés constituent une évolution déterminante dans les équilibres entre les acteurs. Il s’agit bien sûr d’un nouveau marché qui recèle des opportunités importantes. Il s’agit aussi et surtout d’un outil de redistribution de la valeur au sein de filières et entre secteurs économiques : c’est le moyen pour les acteurs du numérique de rentrer dans certains écosystèmes “physiques”, c’est le moyen pour certains sous-traitants d’affermir leur levier par rapport à leurs donneurs d’ordre (ou inversement), c’est le moyen pour les acteurs des produits d’augmenter leur présence dans le marché des services.

[1]  Pour avoir une vision plus exhaustive, le site de LeWeb12 en décembre 2012 à Paris recense quelques exemples et le site Postcapes recense les start-ups et projets dans le domaine de l’internet des objets et présente des synthèse des études disponibles sur ce marché. Ces initiatives sont classées en 4 champs d’application principaux: Body (les capteurs de l’activité humaine), Home (les objets connectés de la maison), City et Industry. Une cinquième catégorie concerne les objets connectés conçus et fabriqués en Open Source / Do it Yourself.