5 ans d’open data: qu’avons-nous appris ?

J’étais l’invité hier à Lausanne de la conférence Opendata.ch/2016, le rassemblement annuel de la communauté suisse des données ouvertes. J’ai profité de l’occasion pour prendre un peu de recul sur mes cinq premières années d’open data. Retour sur les principaux éléments de cette présentation.

L’époque des chasseurs-cueilleurs

M0005264 Kirikoraha ceremony.

Kirikoraha ceremony, Sri Lanka, circa 1910 Credit: Wellcome Library, London

Il y a cinq ans, nous étions tous des chasseurs-cueilleurs. Nos « armes » étaient rudimentaires: nos bras, notre arc et quelques flèches. Ou plutôt: des lois sur le droit d’accès à l’information, un momentum politique au niveau international – dont l’icône était Obama version 2008 (c’est-à-dire avant Prism) -,  une soif de transparence exprimée par la société civile et des mouvements citoyens plus ou moins organisés.

C’était une belle époque. Mais comme tous les chasseurs-cueilleurs nous avons surtout « attrapé » les animaux les moins rapides et les fruits les plus accessibles selon l’expression consacrée (« low-hanging fruits »). Les jeux de données qui présentaient le plus d’enjeux , en termes de transparence mais aussi de potentiel économique nous restaient largement inaccessibles.

Des échelles pour cueillir les « fruits les moins accessibles »

Alors, comment attraper les fruits les moins accessibles ? L’Homme a inventé l’échelle – et l’homo data sapiens a fait pareil.

L0026403 Two men carrying a ladder. Colour lithograph.

Credit: Wellcome Library, London

Nous avons passé ces dernières années à imaginer, construire et poser des échelles. La première d’entre elles, cela a été de construire un rapport de force favorable, en mettant le sujet sur l’agenda politique. La seconde échelle, c’est de faire évoluer la loi – ou plutôt les lois. On a parfois critiqué la difficulté à s’y retrouver dans les nombreux textes qui parlent maintenant d’open data, qu’il s’agisse de la loi sur la gratuité des données (loi Valter), le projet de loi République numérique (loi Lemaire) et les multiples dispositions sectorielles (santé, transports, biodiversité, …). OK. Mais ce sont autant d’échelles qui ont été posées. La troisième échelle ce sont les engagements internationaux;  c’est à mon avis le bénéfice le plus concret que l’open data peut tirer de l’adhésion de la France à l’Open Government Partnership. Des engagements ont été pris et il y a déjà des résultats concrets, par exemple sur la commande publique. La quatrième échelle c’est de maintenir la pression citoyenne, qu’elle soit spontanée ou un peu téléguidée comme dans le cas récent de la pétition Citymapper vs. Ratp.

Donc, on a construit des échelles. Et on attrapé des fruits que nous regardions avec envie il y a quelques années encore, que ce soit dans le domaine de la transparence, de la santé, ou de l’économie.

50 nuances de data

A force de cueillir des fruits, on a fini par apprendre une leçon: toutes les données ne se ressemblent pas et ne génèrent pas les mêmes usages. Certaines relèvent du champ de la transparence et du « droit de demander des comptes à tout agent de son administration » (déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789), par exemple la réserve parlementaire. D’autres ont un potentiel local de services (par exemple des horaires d’ouverture des équipements publics). Et certaines ont une place à part, car elles constituent des références (au sens des données de référence du service public de la donnée).

On a toujours eu un peu de mal à accepter cette idée dans le mouvement open data; de peur sans doute que l’administration soit la seule à décider de ce qui « mérite » d’être ouvert…

Produire, pas uniquement ouvrir

Progressivement les cueilleurs sont devenus des agriculteurs. Et nous avons fait de même: après nous être nous-même nourri de notre cueillette (« eat your own dog food !« ) nous avons commencé à produire nous-même des données. Je pense que la création de la Base adresse nationale représente à ce titre un tournant important, et le fait qu’elle associe des institutions comme La Poste ou l’IGN et les contributeurs d’OpenStreetMap est tout à fait essentiel. La culture de l’open se diffuse par capillarité: d’abord sur la diffusion des données puis maintenant sur leur mode de production lui-même. Les sciences participatives, qui ne datent pas d’hier, ont beaucoup de choses à nous apprendre sur ces pratiques.

L’ouverture est une bataille culturelle

Mais la principale leçon de ces cinq dernières années c’est que l’ouverture est une bataille culturelle. Ouvrir les données, les codes sources mais aussi plus globalement la manière de prendre des décisions et d’agir. Peut-être sommes nous convaincus que l’ouverture, la circulation et la collaboration sont des valeurs partagées par tous – mais c’est une bataille qui vient à peine de commencer. Je repense par exemple à ce sénateur qui répond à l’une de ses collègues que « la loi ne s’écrit pas avec les internautes » alors même que le texte dont ils discutaient avait fait l’objet d’une consultation tout à fait originale en ligne.

Le propre des batailles culturelles c’est qu’elles sont toujours longue à mener … Et il faut bien se l’avouer: nous baignons tellement dans le bouillon numérique que nous avons du mal avec le temps long et sommes naturellement plutôt portés sur les quick wins.

Etes-vous prêt pour les 15 prochaines années ?

 

 

6 réflexions au sujet de « 5 ans d’open data: qu’avons-nous appris ? »

  1. J’ai l’impression qu’il y a 5 ans il y avait surtout des craintes sur les potentielles difficultés techniques de l’ouverture des données : accès, normalisation, publication à grande échelle… finalement, on voit que les difficultés sont surtout politiques et culturelles.

    Pas (seulement) à cause de la mauvaise volonté, mais parce que le passage de fermé à open a plus d’impact sur le lien administration => monde extérieur que ce que l’administration pensait. Donc on consulte, soupèse, temporise, négocie, etc.

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