Un hackathon, sinon rien ?

Le hackathon est à la mode en ce début d’année 2013 ! Les développeurs qui s’intéressent à l’open data vont être très sollicités. C’est l’occasion de se pencher sur ce format d’animation original. A quoi sert un hackathon ? Quels en sont les valeurs mais aussi les limites ? 

(photo la Cantine Rennes)

(photo la Cantine Rennes)

Tout à la fois dispositif créatif et mode d’animation, le hackathon rassemble dans une unité de temps (généralement un week-end) et de lieu des réutilisateurs qui travaillent en mode projet. Il fait partie de la panoplie des outils d’animation que j’ai déjà eu l’occasion de détailler sur ce blog. Plus léger qu’un concours, a priori moins complexe à mettre en place que d’autres formes d’animation au long cours, le hackathon pose aussi ses propres défis.

Les 3 valeurs du hackathon

Le hackathon a d’abord une dimension de mobilisation, tant interne qu’externe. On pourra noter d’ailleurs que ce format est de plus en plus utilisé en amont de l’ouverture des données. C’est tout d’abord l’opportunité pour obtenir l’ouverture, même partielle ou limitée dans le temps, de jeux de données. Le hackathon est alors un prétexte en interne pour faire bouger les lignes, en arguant du caractère éphémère – donc perçu moins impliquant ou risqué – de l’opération.

Dans un curieux renversement de logique, on ne propose pas un hackaton parce que l’on a des données, on demande des données parce que justement un hackathon est organisé ! La dimension mobilisatrice est aussi importante en externe, c’est un excellent moyen de faire baisser la pression sur le sujet, mais aussi d’engager de premières relations avec un écosystème de réutilisateurs.

La seconde valeur du hackathon est liée à l‘expérience-même du hackaton par ses participants. Ceux qui ont eu l’occasion d’en vivre un vous le diront : ils ont vécu une expérience. Tout d’ailleurs dans l’organisation vise à renforcer cette dimension : l’unité de lieu (on vit en vase clos pendant 48 heures), le travail en petit groupe d’individus qui ne se connaissaient pas nécessairement auparavant (la colonie de vacances est l’archétype du team building, c’est bien connu), la contrainte de temps (à la fin chaque groupe présente son projet), voire la compétition (quand le hackathon donne lieu à un vote).

Le problème avec cette dimension expérientielle est qu’elle ne produit guère d’externalités pour ceux qui ne l’ont pas vécu. Je vais le dire autrement : soit vous avez vécu le hackathon – et vous en comprenez la valeur -, soit vous ne l’avez pas vécu. La transmission d’une expérience vécue est toujours délicate, hackathon ou pas – d’où l’importance de la documentation projet sur laquelle je reviendrai ultérieurement dans ce billet.

La troisième valeur du hackathon est liée à la communication. C’est un dispositif qui permet de donner corps à une démarche d’ouverture des données et constitue en tant que tel un objet de communication. Comment dès lors rendre compte des travaux et de l’ambiance générale ? Le hackathon permet certes d’avoir quelque chose à montrer de l’open data, mais cela ne peut pas se réduire à une photographie de quatre gars et une fille devant un ordinateur 😉

L’opération MuseoMix, largement disséquée dans cet article d’Hubert Guillaud d’Internet Actu ou, dans une moindre mesure, les hackathons organisés par Transilien SNCF, font l’objet d’un retour en ligne assez poussé : vidéos, témoignages de participants, présentation détaillée des projets réalisés (ou en cours de réalisation). Mais le budget nécessaire à cette couverture ne correspond pas tout à fait l’idée du hackathon comme formule d’animation un peu cheap et accessibles à toutes les bourses.

Et pourtant cette fonction de communication est essentielle pour essayer de transmettre aux non-participants un peu de l’essence de l' »expérience hackathon« . Il faut donc l’inclure dans son organisation et sans aucun doute la considérer comme une fonction à part entière. On retrouve ici l’idée de la documentation de projet au fil de l’eau mise en place notamment à la 27ème Région.

Les défis du hackathon

La question principale qui se pose aux organisateurs du hackathon est celle de la finalité : à quoi sert-il ? S’agit-il essentiellement de mettre en oeuvre des démarches agiles et des pratiques d’innovation plus légères, ce qui en soit présente déjà un intérêt comme le souligne Fréderic Charles dans son article « Un hackathon pour innover à la DSI en mode start-up » ? Ou le hackaton a-t-il un objectif de réalisation (de prototypes, de services) ?

Faute d’avoir défini, clarifié et partagé en amont les objectifs, on risque d’être un peu déçu par la réalité des réalisations. De la même manière qu’un Start-Up Week-End (marque déposée, sic) fait émerger des idées d’entreprises (et non des entreprises elles-même), le hackathon fait émerger des idées de service, éventuellement des prototypes. Mais le passage à la phase opérationnelle demande bien souvent un effort supplémentaire.

C’est aussi sur ce point que l’organisateur devra se positionner : comment souhaite-t-il accompagner la concrétisation ? Est-il prêt à financer les projets les plus intéressants ou considère-t-il que son action s’arrête le dimanche soir ? Le hackathon est peut-être finalement une formule un peu plus engageante et impliquante que nous pourrions initialement le penser. L’après-hackathon est un sujet à part entière.

L’autre question qui se pose – au hackathon mais aussi plus globalement aux autres formes d’animation ponctuelles comme les concours – est celle de la répétabilité. Peut-on répéter indéfiniment la formule sur un public cible de développeurs intéressés par l’open data, cible qui n’est pas -par définition – extensible à l’infini ? Dit autrement, un hackathon ca va, trois hackathons bonjour les dégâts ? Les équipes des premières éditions se concentrent sur la concrétisation de leurs idées, il faut donc être capables de mobiliser de nouveaux participants – et ce n’est pas toujours simple. Le premier semestre 2013 va être un bon test grandeur nature, vu le nombre important d’hackathons annoncés…

Ps : j’en profite pour vous conseiller la lecture du guide pratique d’organisation d’un hackathon, proposé par Open Data BC (British Columbia) en anglais, donc.

7 réflexions au sujet de « Un hackathon, sinon rien ? »

  1. Très bon article. J’avais une réflexion semblable, ayant vécu 3 hackathons. Ma principale interrogation, comme mentionné, « et après??? ». Est-ce seulement une activité d’une ou deux journées, comme le serait une rencontre pour une partie de hockey, soccer ou autre. À la fin de la journée, on se dit, à la prochaine… peut-être.

    Et quellle est la place des non informaticiens, pour ne pas dire les non geek dans ces rencontres? Encore une fois, c’est une question d’objectifs. Est-ce un trip de programmeurs ou veut-on sensibiliser, informer, former la population?

    Je crois sincèrement qu’une réflexion profonde devrait se faire sur le format des hackathons.

    • Bonjour,

      Merci pour vos commentaires ! Le débat s’est poursuivi sur Twitter (@schignard), je me permets de reprendre certains éléments ici pour les lecteurs du blog.

      Concernant l’après-hackaton, Chloé (@chhhloe) m’a envoyé un lien vers une opération menée pendant 5 ans par la BBC. Backstage avait pour ambition de « hacker » la BBC et a organisé plusieurs hackatons qui s’inscrivaient dans une démarche plus globale. Le lien vers le projet (maintenant arrêté) : http://backstage.bbc.co.uk

      Toujours sur le même sujet, je parle dans mon bouquin des initiatives menées par le FestivalsLab d’Edimbourg, la structure de R&D commune aux nombreux festivals de cette ville écossaise. Le FestivalsLab a accompagné la réalisation de projets amorcés lors de hackatons, notamment le Culture Hack Scotland. Plus d’info sur : http://festivalslab.com

  2. Merci pour cet article qui retranscrit bien toutes les problématiques d’un Hackathon. Pour ma part, je suis responsable d’un espace de coworking à Toulon « La Cantine by TVT Innovation » et nous organisons bien évidement des Hackathons.

    Pour répondre à la question du « post-hackathon », nous accompagnons les équipes (si elles le souhaitent) dans un processus de CO-CREATION. L’objectif est de continuer à faire grandir le projet et d’aboutir, si c’est possible, à la création d’activité.
    Certes, rien d’innovant là puisqu’un projet issu d’un Hackathon est un projet de co-création. En revanche, notre démarche de co-création réunit autour d’une même volonté d’actions, les établissements d’enseignements supérieur de Toulon (écoles d’ingénieur en électronique, UFR ingénierie des médias, école supérieur de commerce et de design…) Ensemble, ces acteurs mobilisent leurs compétences et leurs étudiants afin de co-réfléchir à la faisabilité d’un projet (faisabilités techniques, commerciales, d’usages…). Le projet issu du Hackathon peut alors s’inscrire dans cette démarche et être conduit vers d’autres opportunités…

    Pour infos qui a son importance, TVT Innovation est une association qui accompagne depuis 25 ans les porteurs de projets innovants vers la constitution de leur entreprise et de leurs activités ! Nous avons donc toute légitimité à réaliser cet accompagnement et nous pouvons facilement mobiliser notre réseau de partenaires (financiers, institutionnels, opérationnels…), nécessaires pour mener à bien cette mission…

    Pour conclure, je me permets de signaler que nos Hackathons rassemblent toujours des geek et et non -geek que nous préférons appeler : usagers. En effet, une application numérique doit être conçu pour son usagers et quoi de mieux que de faire intervenir cet acteur clé dès la phase de conception !!

  3. Pour que le mouvement des données ouvertes prenne de l’ampleur, il est essentiel d’y impliquer les ‘non-geek’, qui peuvent aussi, selon leur domaine de compétence, apporter leur aide.

  4. Notre groupe de veille en communication numérique et e-gouvernement a assuré la couverture de deux hackathons dans le région de Québec. Nous en avons parlé sur Twitter et sur Facebook, mais nous avons surtout produit quelques reportages vidéo sur notre chaîne Vimeo. La vidéo, bien qu’imparfaite aussi, est tout de même un des meilleurs moyens pour traduire l’ambiance d’un hackathon. Pour ceux que ça intéresse, voici le lien vers nos reportages sur le sujet https://vimeo.com/album/2219226

    Merci et bravo pour cet article, nous la partagerons sur nos réseaux!

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