Le 19 décembre 2012 j’ai animé à la Cantine de Rennes une soirée spéciale sur les données ouvertes de mobilité. A cette occasion, j’ai présenté un tour du monde des réutilisations possibles de ces données. L’objectif : démontrer, par l’exemple, que l’open data transport ne sert pas uniquement à produire des applications mobiles !
1 – L’information voyageur ne se limite pas aux applications mobiles
L’application mobile d’information voyageur est bien souvent la face la plus visible de l’open data pour le grand public, en témoigne le grand nombre de services mobiles proposés lors des concours et autres hackatons de données ouvertes. Cependant, cette focalisation sur un seul type de réutilisation génère aussi une incapacité à appréhender tous les usages possibles des données de mobilité.
La problématique de diffusion et de partage de la donnée transport s’inscrit aujourd’hui dans une double tendance : accroissement de la demande d’information voyageur (en tous lieux, en tous temps et sur tous supports) et difficulté à proposer une offre institutionnelle qui couvre l’ensemble des besoins, aussi spécifiques soient-ils.
Dès lors, l’open data est une piste pour répondre à cette diversité de besoins. L’info de mobilité prend son sens à partir du moment où elle est disponible au moment où on en a besoin, dans sa poche, dans l’écran du bus, sur le site Internet du réseau mais aussi – et surtout – dans tous les lieux où elle est aujourd’hui absente. Trois exemples pour illustrer cet usage de « consultation » de la donnée de mobilité (je reprends ici la grille de 4 classes de réutilisation développée dans mon ouvrage) :
Le City Dashboard a été développé par des universitaires britanniques. Ils proposent en un seul écran un tableau de bord de la ville, en particulier sur les questions de mobilité. On y retrouve notamment le taux d’utilisation en temps réel des stations de vélo en libre-service, mais aussi les perturbations dans le métro et l’état du trafic routier… mais aussi la météo, les dernières actualités ou les tendances locales sur Twitter… Le City Dashboard a été conçu pour être déployé partout via un simple écran de PC.
La montre « Muni Watch » (du nom du réseau de transport municipal de San Francisco) a été développé par Joe Hughes. La montre indique les 3 prochains horaires de passage pour l’arrêt de bus le plus proche – elle communique en Bluetooth avec un smartphone Android. A noter que le projet a été l’un des premiers initiés suite à l’ouverture des données de cette ville californienne… et date de 2008 !
Plus près de nous, dans le cadre du LabFab rennais, Baptiste Gaultier a conçu « La Boîte » sur une base Arduino (électronique open source). Cette petite boîte, qui trouvera sa place dans votre salon, indique la météo, le nombre de minutes avant le prochain passage d’un bus ou le nombre d’emails reçus…
Aussi anecdotiques puissent-ils paraître, ces deux derniers projets montrent que l’on peut encore imaginer de nouvelles formes de diffusion de l’information de mobilité. Il y a sans aucun doute des pistes à creuser du côté de l’ambient computing pour créer des objets communicants qui nous informent tout en restant le moins intrusif possible. Le lapin Nabaztag, la star de Noël (en 2006…), ou la lampe Orb étaient de bons candidats pour afficher l’imminence du passage d’un bus avec des codes couleurs très simples…
2 – Des médiations : rendre visible les mobilités dans la ville
Les médiations – notamment visuelles – permettent de représenter les flux de mobilité dans la ville. La représentation cartographique pré-existait bien entendu au mouvement d’ouverture des données, mais l’open data lui a donné un nouveau souffle. Les visualisations peuvent être ludiques ou avoir un objectif professionnel – par exemple dans le domaine de l’analyse de l’accessibilité. Trois exemples pour illustrer ce second type de réutilisation des données de mobilité (la médiation) :
L’opérateur des transports londoniens (TfL) a mis en ligne un fichier comportant le 1er million de trajets effectués par le service de vélo en libre-service de la capitale Barclays Cycle Hire (connu sous le surnom de Boris Bikes, le prénom du maire). Ces données historiques ont donné lieu à plusieurs représentations : l’effet d’une grève du métro sur l’utilisation du service de vélo, le repérage des principaux noeuds de circulation ou encore les jours de fréquentation record du service…
La municipalité de Melbourne en Australie dispose d’une série de 18 capteurs piétonniers répartis dans le centre-ville. Ils enregistrent en temps réel le nombre de piétons qui empruntent un trajet particulier. Ces données ont donné lieu à une représentation interactive, on peut ainsi visualiser les flux de piétons heure par heure ou « rejouer » une journée d’affluence exceptionnelle (la parade annuelle par exemple). A noter que Melbourne propose les données brutes en téléchargement, ce qui permet donc de construire sa propre visualisation ou – encore mieux – d’utiliser ces données comme matière première (cf. la prochaine classe d’utilisation).
Enfin, dans le cadre du concours Rennes Métropole en accès libre, la société Isokron avait réalisé une très intéressante vidéo « Un lundi à Rennes » qui répondait visuellement à la question : jusqu’où peut-on se aller en 10, 15 ou 30 minutes en n’empruntant que les transports publics ? Cette dernière visualisation est clairement plus ludique qu’informative, mais elle propose une autre représentation du réseau de transport urbain…
3 – La donnée de mobilité comme matière première
La donnée de mobilité peut aussi être utilisée comme une matière première, pour un usage qui n’est pas directement lié à la mobilité. En effet, la question de l’accessibilité d’un lieu – que ce soit à pied, en voiture ou en transport en commun – est un sujet qui intéresse bien au-delà des opérateurs de mobilité. Les gestionnaires de grands équipements sportifs, ou encore de centres commerciaux, utilisent la donnée de mobilité comme un intrant dans un processus, par exemple au moment de prendre des décisions d’investissement. Cette question intéresse aussi au plus haut point le marché de l’immobilier.
Aux Etats-Unis, la société WalkScore (issue de la fondation FrontSeat) propose une note d’accessibilité pour chaque adresse d’une ville américaine ou canadienne. Le WalkScore (et son équivalent le TransitScore) est un indice qui évalue sur une échelle de 1 à 100 la marchabilité d’un lieu, c’est à dire la capacité à y effectuer la plupart des actes de la vie quotidienne sans avoir à prendre sa voiture. On voit déjà apparaître les premières annonces immobilières qui font figurer ce score dans le descriptif du bien… L’impact de cet indice sur le niveau des prix a lui aussi été évalué. Le plus intéressant dans le WalkScore est la monétisation de cet indice : la société propose un service en ligne à destination des agents immobiliers indépendants.
Ainsi, chacun peut créer une affiche personnalisée avec l’adresse du bien, son score d’accessibilité, une carte des principaux équipements et services de proximité (paramétrables selon le profil des acheteurs pressentis) et bien sûr le contact de l’agent immobilier…. Chaque fiche est facturée 5 dollars, la reproduction étant assurée directement par l’utilisateur du service. WalkScore propose aussi un ensemble de services de syndication de son contenu et de ses données… Bref, l’open data est ici à la fois une matière première et une partie de la production de la société.
Les croisements entre donnée de mobilité et d’autres sources de données restent encore largement à imaginer et à travailler. Un exemple : croiser les données issues de mon Fitbit (le nombre de pas parcourus, le nombre d’étages gravis quotidiennement) avec celles de ma carte de transport, pour montrer concrètement comment l’on peut faire de l’activité physique en prenant les transports en commun (par exemple en n’utilisant jamais les escalators ou les ascenseurs…).
4 – L’art et le jeu, d’autres modes de réutilisations
Je propose de finir ce tour du monde de la réutilisation des données par deux approches différentes et résolument non-utilitaristes de l’open data : le jeu et l’art. Les données de mobilité, notamment par leur caractère souvent urbain, se prêtent bien à des jeux grandeur nature. L’un des premiers exemples est le jeu Chromaroma, qui réutilise (initialement de manière un peu sauvage, aujourd’hui de manière bien encadrée) les données des Oyster Cards (l’équivalent des pass Navigo à Paris). Chromaroma est un véritable jeu dans la ville où les joueurs, regroupés en équipes, accomplissent des challenges et prennent possession – virtuellement bien sûr – de stations de métro (sur le modèle du maire d’un lieu Foursquare).
Dans le domaine artistique, le projet Conductor: MTA.me propose une représentation poétique des mouvements du métro new-yorkais : chaque ligne est une corde de guitare et les croisements génère une mélodie étrange qui évolue au cours de la journée et de l’activité du réseau…
Bref, les données ouvertes de mobilité offrent un éventail de réutilisations très larges, qui dépassent de loin les premières applications mobiles qui ont déjà été développées…
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J’aime beaucoup le jeu Cube basé sur Google Maps
http://www.playmapscube.com/
une manière ludique de faire découvrir une ville, les différentes manières de s’y déplacer…et les potentialités du produit.
A quand la version « extérieure » sur écran tactile ?
PS : attention, ce jeu peut rendre nerveux les plus maladroit(e)s 😉
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