Les 3 leçons de l’ouverture des données de la RATP

C’était incontestablement l’actualité open data de l’été : la régie des transports parisiens a fait un premier pas en ouvrant quelques jeux de données. Au-delà du buzz généré par cette annonce, retour sur les leçons de l’ouverture des données façon RATP. Des leçons qui ne s’adressent pas uniquement au domaine de la mobilité … 

1 – L’ouverture des données est-elle inéluctable ?

L’open data et la RATP c’était déjà toute une histoire. Pour fédérer un mouvement, rien de tel que de se donner un ennemi commun, et il faut bien avouer que la régie a tout fait pour tenir au mieux le rôle du méchant. La très médiatisée affaire qui a opposé l’an dernier l’éditeur de l’application CheckMyMetro et la RATP en est le point de départ, le « moment » open data a fait le reste.

Je parle de « moment » parce qu’objectivement la situation était plus complexe que la fable de David contre Goliath. Le débat s’est dans un premier temps concentré sur l’usage non-autorisé du plan de métro parisien par la start-up. Or un plan c’est un document, pas une donnée. Evoquer l’open data dans ce cas, c’est tout à fait abusif. La CADA, qui avait été sollicitée pour rendre son avis a d’ailleurs très clairement précisé que le plan est le fruit d’une création intellectuelle et qu’il ne rentre donc pas dans le champ de la donnée publique.

La loi CADA de 1978 exonère d’ailleurs clairement certains établissements, dont la RATP, de certaines obligations en matière de réutilisation des données publiques. Précisons enfin que l’application CheckMyMetro permet à ses utilisateurs de signaler les contrôleurs. Une telle fonction, de nature à encourager la fraude, n’aide bien entendu pas à apaiser les relations !

Sur le papier donc, et si l’on se reporte aux textes juridiques, il n’y avait pas de raison que la RATP publie des données en open data. Elle n’y était pas obligée.

La première leçon de cette histoire, c’est la combinaison d’une maladresse initiale (la gestion du conflit), du « moment » open data et d’un emballement médiatique généralisé, renforcé par les prises de position répétées de l’ancien président du Conseil national du numérique.

Ce que la loi n’exigeait pas est devenu une obligation quasi-morale. Bref, à bien des points de vue, la RATP se trouvait alors dans une position défensive – et je suis prêt à parier que d’autres prendront bientôt la place de la régie dans cette position plutôt inconfortable (JC Decaux ?).

2 – Valoriser sa marque ou limiter l’usage sauvage des données ?

Comment dès lors passer d’une position défensive à une position offensive ? J’ai décrit dans un billet précédent 9 stratégies de diffusion des données. La RATP me semble une très bonne illustration des mouvements possibles pour passer d’une position défensive à une position offensive. Le premier problème à résoudre était celui de la réutilisation non-autorisée de son plan de métro et des éléments graphiques s’y référant. Le second était lié à l’utilisation sauvage des données horaires, récupérées à partir de son site Wap.

La RATP vient de résoudre la première question, en permettant un usage bien encadré de certains éléments graphiques – dont le fameux plan. « Volte-face » a écrit l’éditeur de CheckMyMetro dans une communiqué de presse à la tonalité victorieuse (poursuivant ainsi la fable de David contre Goliath).

J’y vois plutôt un mouvement habile de la part de la régie pour protéger et valoriser sa marque. On peut par exemple lire dans les conditions d’utilisation que seule la RATP peut utiliser le logo vert comme icône d’application mobile. En ce sens, on se rapproche davantage du programme « Don’t pretend to be us » des transports londoniens.

Force est de reconnaître que sur le deuxième sujet, celui des données, rien n’est acquis. Les jeux de données aujourd’hui publiés sur Etalab ne brillent pas par leur extraordinaire richesse. On est encore loin de ce que d’autres réseaux en France (Rennes, Nantes, Toulouse, …) ou ailleurs (New-York, San Francisco, Londres) ont pu proposer. La prochaine étape sera de passer des intentions aux actes, notamment en proposant des API sur un vrai site dédié, et non quelques fichiers sur le portail gouvernemental. Mais la régie aura au moins su faire baisser la pression médiatique sur le sujet… et c’est déjà beaucoup !

3 – Qui doit gérer l’ouverture des données « publiques » ?

Le premier pas de la RATP marque aussi une tendance : ce sont de plus en plus les exploitants de services – et non les administrations et autorités organisatrices – qui gèrent l’ouverture des données. En région Ile-de-France, cela est particulièrement flagrant : Transilien et la régie se sont lancés dans l’open data bien avant le STIF, pourtant l’autorité qui organise les transports sur ce territoire.

Cette troisième et dernière leçon ne concerne pas uniquement le domaine de la mobilité mais s’adresse à tous ceux qui gèrent des délégations de service public, pour l’eau, l’énergie ou les déchets. Cette mission d’ouverture (et le travail d’animation qui va de pair) va-t-elle peu à peu être intégrée dans de futurs appels d’offres ?

2 réflexions au sujet de « Les 3 leçons de l’ouverture des données de la RATP »

  1. Bonjour Simon, j’ai lu avec attention ton « post » et j’apprécie particulièrement l’exactitude de la situation décrite. J’ai néanmoins quelques petites remarques à relever ! Tout d’abord et même si l’application CheckMyMetro est un peu abusive dans son fonctionnement de base (information sur les contrôleurs), l’attitude qu’a eue la Régie est à mon avis particulièrement maladroite et il est important de le souligner.
    D’autant qu’ayant échangé avec plusieurs personnes de la RATP, il s’agit opportunément aujourd’hui plus d’une question de valorisation des données et cela le plus longtemps possible par la RATP que réellement une question de fond. C’est donc une position purement mercantile !

    Parallèlement et pour information, l’accès aux données du STIF (rassemblant l’ensemble des prestataires de transports d’IDF) est aujourd’hui accessible sous convention « payante » au format édité par le STIF. La manière de présenter ce coût par l’AO réside dans une mise à disposition des données et non d’une vente d’un jeu de données (c’est habile mais personne n’est dupe) … Je vous laisse consulter la convention proposée par le STIF et le prix de la mise à disposition des données associées !

    Nous avons de notre côté la chance de pouvoir exploiter ces données pour un prix restreint dans le cadre d’un programme de recherche http://www.transportdoux.fr/pftplus/ financé en partie par un programme FEDER par l’intermédiaire de la Région IDF. Mais cela reste quand même une situation très drôle (ou plutôt triste), nous percevons de l’argent de la région pour acheter des données éditée par le STIF lui-même financé par la région IDF !

    De notre côté chez TransWay, nous serions très heureux de pratiquer le même niveau de prix pour la mise à disposition de nos propres données 🙂 !

  2. Ping : Les 3 leçons de l'ouverture des données de la RATP | données ... | Opendata - étude de veille | Scoop.it

Les commentaires sont fermés.